Les cannabinoïdes de synthèse en Europe

Introduction

Ces analyses interactives conçues pour le web, qui font partie de la série «Perspectives sur les drogues, publiées parallèlement au Rapport européen sur les drogues, visent à donner un meilleur éclairage sur une sélection de questions importantes.
Update date: 06.06.2017

Analyse: les cannabinoïdes de synthèse en Europe

Les agonistes des récepteurs des cannabinoïdes de synthèse (généralement appelés «cannabinoïdes de synthèse») sont un groupe de substances qui imitent les effets du (–)-trans-Δ9-tétrahydrocannabinol (THC), la substance principalement responsable des effets psychoactifs les plus importants du cannabis. Comme le THC, les cannabinoïdes de synthèse se lient aux récepteurs cannabinoïdes présents dans l’organisme. C’est pour cette raison que ces substances ont été utilisées pour créer une large gamme d’«euphorisants légaux» qui sont vendus comme des substituts légaux du cannabis. Ils constituent le plus grand groupe de nouvelles substances psychoactives suivies par l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA).

Les «euphorisants légaux» contenant des cannabinoïdes de synthèse sont vendus sous forme de «mélanges d’herbes à fumer» depuis la moitié des années 2000. Ces produits ne contiennent pas de cannabis mais lorsqu’ils sont fumés, ils produisent des effets similaires. Ils ont fait l’objet d’approches marketing innovantes et sont largement et librement disponibles sur l’internet, et dans certains pays, dans des points de vente traditionnels (appelés «head shops» et «smart shops»).

En raison du nombre de cannabinoïdes de synthèse, de leur diversité chimique et de la rapidité de leur apparition, ce groupe de composés représente un défi particulièrement difficile à relever en matière de détection, de surveillance et de solutions. Les fournisseurs de ces produits visent simplement à imiter les effets du THC. En substance, cela rend chaque cannabinoïde de synthèse facilement remplaçable. Lorsqu’un cannabinoïde de synthèse est ou est sur le point d’être légalement contrôlé, les fabricants peuvent avoir en stock une ou plusieurs substances de remplacement, prêtes pour la vente.

On sait peu de choses au sujet de la manière dont agissent ces substances et sur leurs effets toxiques chez les humains. Cependant, leur utilisation a été à l’origine de nombreuses intoxications graves et parfois même de décès – elle s'est parfois traduite par des séries d’intoxications de masse. Il est possible qu’en plus de la puissance très élevée de leurs effets, certains cannabinoïdes aient des demi-vies longues, ce qui peut entraîner un effet psychoactif prolongé. De plus, il semble qu’au moins certaines de ces substances ont un effet sur d’autres fonctions physiologiques de l’organisme, en plus de leurs effets sur les récepteurs cannabinoïdes.

Cette analyse vise à faire le point sur les connaissances actuelles au sujet de ces substances et de leurs effets, ainsi que sur les tendances en matière de production, de disponibilité et de consommation.

L’apparition des cannabinoïdes de synthèse

Malgré la présence de rumeurs sur l’internet depuis la moitié des années 2000 concernant des «mélanges d’herbes à fumer» vendus en tant qu’«euphorisants légaux» et susceptibles de produire des effets «puissants» similaires à ceux du cannabis, ce n’est qu’en 2008 que des enquêteurs de la police scientifique allemande et autrichienne ont détecté pour la première fois la substance JWH-018, un cannabinoïde de synthèse, dans un produit vendu sous la marque «Spice» (1). Par la suite, plusieurs cannabinoïdes ont été détectés dans des mélanges d’herbes à fumer également connus sous le nom d'encens/de désodorisants d’ambiance. Parmi ceux-ci figuraient le «Spice Gold», le «Spice Silver» et le «Yucatan Fire», mais bien d’autres produits sont ensuite apparus. Bon nombre des cannabinoïdes détectés dans ces produits ont d’abord été développés par des scientifiques étudiant la manière dont les cannabinoïdes agissent sur le corps et leur potentiel en tant que médicaments permettant de traiter un certain nombre de maladies et leurs symptômes – notamment les maladies neurodégénératives, la dépendance aux drogues, les douleurs chroniques et le cancer. Cependant, il s’est jusqu’à présent avéré difficile d’isoler les propriétés thérapeutiques escomptées des effets psychoactifs non désirés.

Les cannabinoïdes de synthèse représentent le plus grand groupe de substances actuellement suivies par le système d’alerte rapide de l’UE. Un cannabinoïde de synthèse a été découvert en 2008, 9 en 2009, 11 en 2010, 23 en 2011, 30 en 2012, 29 en 2013, 30 en 2014, 25 en 2015 et 11 en 2016 – pour un total, en décembre 2016, de 169 cannabinoïdes de synthèse signalés à l’EMCDDA (2).

Les cannabinoïdes de synthèse jouent un rôle important sur le marché en rapide évolution des «euphorisants légaux». L'expression «euphorisant légal» est une expression générique utilisée pour décrire les (nouvelles) substances psychoactives non réglementées qui visent généralement à imiter les effets des drogues contrôlées et qui sont vendues librement sur le marché. On dispose de très peu de données relatives à la consommation de ces substances, les risques et effets nocifs y étant liés demeurant largement méconnus et les drogues très puissantes suscitant de vives inquiétudes. Il peut par exemple y avoir une variabilité considérable inter- et intra-lots dans les mélanges à fumer contenant des cannabinoïdes de synthèse, que ce soit en termes de substances présentes ou en termes de concentration.

Fabrication de produits à base de cannabinoïdes de synthèse

La plupart des cannabinoïdes de synthèse utilisés dans les «euphorisants légaux» sont fabriqués par des entreprises chimiques situées en Chine. Ils sont expédiés vers l’Europe sous la forme de poudres en vrac en utilisant des compagnies d’envoi de courrier et de colis express; les plus grandes quantités peuvent être transportées par voie aérienne ou maritime. Des cargaisons de plusieurs kilos sont fréquemment interceptées par les autorités européennes mais leur pureté est rarement évaluée. Une étude réalisée en Corée du Sud a fait état de niveaux de pureté allant de 75 à 90 % pour des échantillons de poudre en vrac (3). En 2015, plus de 24 000 saisies de cannabinoïdes de synthèse (24 210) ont été faites en Europe, pour un total de plus de 2,3 tonnes (2 334 kg), dont plus de 400 kg (444,245 kg) de poudre en vrac. Ce qui représente une hausse de près de 7 000 saisies et plus de 1,6 tonnes (généralement constituées de matière végétale) par rapport à 2014.

Une fois arrivés en Europe, les produits pour la vente au détail sont assemblés. Le damiana (Turnera diffusa) et les plantes de la famille des Lamiaceae telles que la mélisse, la menthe et le thym (4) sont couramment utilisés comme base végétale pour la préparation des mélanges à fumer. Les cannabinoïdes de synthèse sont mélangés aux matériaux végétaux ou pulvérisés sur ceux-ci, généralement à l'échelle industrielle en utilisant des solvants comme l’acétone ou le méthanol afin de dissoudre les poudres; des équipements tels que des bétonnières sont alors utilisés pour mélanger les ingrédients. Le mélange est ensuite séché et emballé. Les produits sont vendus via l’internet par des revendeurs d’«euphorisants légaux» et dans des points de vente traditionnels.

En raison de la puissance d’effet élevée de certains cannabinoïdes de synthèse, la quantité de poudre nécessaire pour chaque unité de produit peut être de l’ordre de quelques dizaines de milligrammes. Un kilo de poudre en vrac peut donc être utilisé pour produire des milliers d’«euphorisants légaux». La découverte d’installations de transformation et de conditionnement ainsi que de grandes quantités de cannabinoïdes de synthèse en Belgique et aux Pays-Bas laisse supposer une participation du crime organisé au processus de distribution. Il existe également des preuves attestant qu’un commerce de détail conséquent passe par l’internet dans l’Union européenne, les autorités douanières et la police saisissant régulièrement de petites quantités de ces produits.

Le contrôle des boutiques en ligne vendant des «euphorisants légaux» permet de mieux connaître l’éventail de mélanges d’herbes à fumer disponibles à la vente, dont beaucoup sont susceptibles de contenir des cannabinoïdes de synthèse. Un tel contrôle, lorsqu’il est combiné à un achat test des produits en vente, constitue également un moyen de suivre l’évolution dans le temps des substances que contient un produit et de contribuer à la détection précoce des nouveaux cannabinoïdes qui apparaissent sur le marché.

Prévalence

Les informations sur l’ampleur de la consommation de cannabinoïdes de synthèse sont limitées, mais la situation s’améliore grâce à l’intégration de questions relatives à la consommation de ces substances dans les enquêtes de population générale d’un nombre croissant de pays. D’après les informations actuellement disponibles, il semblerait que la prévalence de leur consommation au sein de la population générale soit faible en Europe. Plusieurs enquêtes visant à examiner la prévalence de la consommation de produits de type «Spice» ont été menées, mais leur couverture et leur représentativité restent limitées.

Il existe des différences importantes entre les marchés des drogues européen et américain en ce qui concerne la prévalence de la consommation de cannabinoïdes de synthèse. Les données américaines les plus récentes sur la prévalence sont issues de l’édition 2014 de l’enquête Monitoring the Future menée auprès d’étudiants, qui suggère que la consommation est en baisse, la prévalence de la consommation de cannabinoïdes de synthèse parmi les 17/18 ans s’élevant à 5,8 % en 2014, contre 7,9 % en 2013 et 11,3 % en 2012 (29). En 2011, selon la même enquête, la «marijuana de synthèse» était la deuxième drogue la plus utilisée au monde après le cannabis, avec une prévalence au cours de l’année écoulée de 11,4 %.

Plusieurs enquêtes réalisées dans des pays de l’UE rendent également compte de la consommation de cannabinoïdes de synthèse, bien qu’elles ne soient pas comparables, en ce qu'elles recourent à des méthodes, des bases de sondage et une terminologie différentes. Dans l’ensemble, ces études font état de niveaux de prévalence très faibles. Le Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles) a recensé la consommation de «Spice» au moyen de deux enquêtes consécutives auprès des ménages, qui ont permis de rendre compte d’une prévalence au cours de la vie chez les adultes (16 à 64 ans) de 0,2 % en 2010/2011 et de 0,1 % en 2011/2012 (6,7). Selon l’édition du British Crime Survey pour l’Angleterre et le Pays de Galles, couvrant la période 2014-2015, un total de 0,9 % des adultes (âgés de 16 à 59 ans) ont utilisé de nouvelles substances psychoactives au cours de l’année précédente et 61 % d’entre eux ont utilisé un mélange d’herbes à fumer (8). Cette question n’a plus été posée les années suivantes en raison du faible taux de prévalence.

En Espagne, l’édition 2014 d’une enquête nationale sur la consommation de drogues menée auprès d’un échantillon de 37 486 étudiants âgés de 14 à 18 ans a également identifié de faibles niveaux de consommation de produits de type «Spice», avec des taux de prévalence au cours de la vie de 0,8 % en 2014, contre 1,4 % en 2012 et 1,1 % en 2010 (9,32). Dans une enquête de 2013 réalisée auprès de la population générale également en Espagne, 0,5 % des 23 136 répondants (âgés de 15 à 64 ans) ont déclaré avoir consommé du «Spice» au cours de leur vie (10).

En 2014, une enquête française menée auprès d’adultes (18 à 64 ans) comprenant une question à propos de la consommation de «cannabinoïdes de synthèse» a fait état d’une consommation au cours de la vie de 1,7 %. Les nouveaux consommateurs de ces nouveaux produits de synthèse sont principalement des hommes (2,3 %, contre 1,2 % de femmes) et des jeunes (moins de 35 ans): 4,0 % des 18-34 ans ont essayé les cannabinoïdes de synthèse, contre seulement 0,6 % des 35-64 ans (11). Une autre enquête française, menée auprès de jeunes âgés de 17 ans, a révélé que 1,7 % d’entre eux avaient déjà consommé des cannabinoïdes de synthèse (12).

L’enquête de 2015 du Conseil suédois d'information sur l'alcool et les autres drogues (CAN) a interrogé les étudiants sur leur consommation de nouvelles substances psychoactives. Elle a montré une diminution par rapport aux autres années chez les élèves de 9e et 11e année, dont 1,6 % et 3,2 % respectivement déclarent avoir consommé à un certain stade. Les cannabinoïdes de synthèse étaient les nouvelles substances psychoactives les plus couramment consommées signalées par les élèves de 9e année et de 2e année d'enseignement secondaire supérieur (37).

En Allemagne, la ville de Francfort a étudié la consommation de mélanges d’herbes et de «Spice» chez les étudiants âgés de 15 à 18 ans. Leurs niveaux de consommation au cours de la vie étaient de 7 % en 2009, 9 % en 2010 et 7 % en 2011 et 2012 (13,14,15). En 2013, la consommation de mélanges d’herbes est tombée à 5 %, mais elle a augmenté à 6 % en 2014 et est restée à 6 % en 2015; les valeurs sont toutefois encore inférieures à celles de 2009–12 (16,17, 33). Les étudiants déclarant avoir consommé du «Spice» étaient, pour la plupart, des consommateurs de cannabis expérimentés.

Enfin, plusieurs études menées auprès de groupes spécifiques (habitués des boîtes de nuit, internautes, etc.) sur la base d’échantillons non probabilistes ont généralement identifié des niveaux plus élevés de consommation de cannabinoïdes de synthèse parmi ces groupes que parmi la population en général. Selon l’édition 2012 de l’enquête Global Drug Survey, la prévalence au cours de l’année écoulée était de 3,3 % parmi l’ensemble des Britanniques interrogés (échantillon non représentatif de la population générale) et de 5,0 % parmi les habitués des boîtes de nuit (18).

Au Royaume-Uni, la consommation de cannabinoïdes de synthèse chez les prisonniers est particulièrement préoccupante. Une enquête menée en 2016 dans les prisons du Royaume-Uni a montré que 33 % des 625 détenus déclaraient avoir consommé du «Spice» au cours du mois écoulé (ce pourcentage peut être comparé aux 14 % de consommation de cannabis au cours du dernier mois). Les taux de prévalence de la consommation de «Spice» au cours du mois écoulé d’une prison à une autre oscillent entre 15 % et 71 %. Les individus qui avaient consommé du «Spice» au cours du mois écoulé, ont été interrogés sur la fréquence hebdomadaire de leur consommation; les résultats ont montré que 31 % avaient consommé du «Spice» une ou deux fois par semaine, 8 % une fois par semaine, 15 % 2 ou 3 fois par semaine et 46 % presque quotidiennement (30). Au cours d’une précédente étude réalisée en 2015 par l'inspection des prisons (HM Inspectorate Prisons) 1 376 prisonniers ont été interrogés dans huit prisons et cette étude a révélé que 10 % des prisonniers consommaient du «Spice» dans leur prison respective (31).

Effets nocifs associés aux cannabinoïdes de synthèse

Les effets indésirables pour la santé associés aux cannabinoïdes de synthèse sont liés aux propriétés intrinsèques des substances, à la manière dont le corps réagit aux substances et à la façon dont les produits sont fabriqués. De nombreuses intoxications non mortelles et un faible nombre de décès associés à leur consommation ont été signalés (19,20). Certains de ces composés étant très puissants, le risque d’effets toxiques est élevé. Cette situation peut encore être aggravée par le procédé de fabrication, qui peut donner lieu à une distribution déséquilibrée des substances au sein de la base végétale. Certains produits peuvent alors contenir des «hot pockets» où la concentration du cannabinoïde est élevée, donnant lieu à des doses plus élevées que prévu et à un risque plus élevé d’effets indésirables graves (21,22). Il est également possible que certains effets indésirables soient dus à des mécanismes autres qu’une interaction avec les récepteurs cannabinoïdes, par exemple une interférence avec d’autres fonctions physiologiques de l’organisme (23).

Une réévaluation systémique récente des effets indésirables associés aux cannabinoïdes de synthèse a révélé qu’une agitation, des nausées et un rythme cardiaque anormalement rapide étaient des symptômes d’intoxication fréquemment rapportés (17); les effets indésirables graves – tels qu’un accident vasculaire cérébral, des convulsions, une crise cardiaque, une destruction du tissu musculaire, une atteinte rénale, une psychose et des vomissements sévères ou prolongés – et les décès associés à ces effets graves, étaient moins fréquents (17). Des symptômes suggestifs d’une dépendance et des symptômes de sevrage ont également été signalés (22). De manière générale, l’estimation de la fréquence de ces effets indésirables est difficile, notamment car on ne connaît pas le nombre total de personnes exposées aux drogues (17).

L’une des caractéristiques les plus frappantes des cannabinoïdes de synthèse est leur capacité à provoquer des flambées d’intoxications de masse. Ces flambées impliquent parfois des centaines de personnes sur une courte période de temps – ce qui s’est avéré un problème majeur aux États-Unis et en Russie au cours de ces dernières années. En 2014, en Russie, le cannabinoïde MDMB-FUBINACA a été associé à plus de 600 intoxications, dont 15 se sont avérées mortelles, sur une période de deux semaines (23). Au début de l’année 2016, cette substance a été identifiée sur le marché européen, ce qui a incité l’EMCDDA à déclencher une alerte de santé publique à l’intention de son réseau d’alerte rapide. En 2015, les États-Unis ont connu une autre flambée importante d’intoxications, qui semble avoir été partiellement associée à une substance appelée «ADB-FUBINACA» (24,25). Alors que ces types de flambées semblent rares en Europe, en 2015, plus de 200 cas d’admission urgente à l’hôpital de personnes ayant fumé un produit appelé «Mocarz» ont été signalés en moins d’une semaine en Pologne.

En juillet 2016, le MDMB-CHMICA a été le premier agoniste des récepteurs des cannabinoïdes de synthèse à avoir fait l’objet d’une évaluation des risques par l’EMCDDA (35) et il a récemment été soumis à des mesures de contrôle et à des sanctions pénales dans toute l'Europe (36). Le MDMB-CHMICA est considéré comme un agoniste complet puissant des récepteurs CB1 et il s’est également révélé être un agoniste des récepteurs CB2. Au moment de l’évaluation des risques, 25 intoxications aiguës et 28 décès associés au MDMB-CHMICA avaient été signalés à l’EMCDDA. Dans douze des cas, le MDMB-CHMICA a été indiqué comme étant la cause du décès ou susceptible d'avoir contribué au décès. Dans trois cas, le MDMB-CHMICA était la seule substance détectée. Le MDMB-CHMICA est disponible sur le marché des drogues de l’UE depuis le mois d’août 2014 et, au moment de l’évaluation des risques, il avait été détecté dans vingt-trois États Membres, la Turquie et la Norvège. Les informations communiquées à l’EMCDDA et à Europol ont indiqué que plus de 120 kg de MDMB-CHMICA avaient été saisis dont approximativement 67 kg de matière végétale et approximativement 46 kg sous forme de poudre. La saisie la plus importante signalée à l’EMCDDA, qui était de 40 kg de poudre extrêmement pure contenant le MDMB-CHMICA, provenait de Chine (34).

L’observation d’effets indésirables graves par l’EMCDDA et les connaissances actuelles sur les effets pharmacologiques et toxicologiques de certains cannabinoïdes de synthèse révèlent que ces composés peuvent nuire gravement à la santé humaine, même si les mécanismes expliquant ces effets sont à ce jour peu connus.

Évolutions récentes

Depuis le début de l’apparition des cannabinoïdes de synthèse, ces substances ont principalement été détectées dans des produits vendus en tant que «mélanges d’herbes à fumer». Plus récemment, cependant, plusieurs pays ont également signalé avoir trouvé ces substances dans des produits qui ressemblent à de la résine de cannabis et sont répertoriés comme des «euphorisants légaux», comme le «Afghan Incense», ou dans des produits simplement présentés comme étant de la résine de cannabis sur le marché illicite. Cette évolution est probablement une réponse à la popularité de la résine de cannabis dans un grand nombre de pays. Des cannabinoïdes de synthèse ont également été détectés dans des mélanges contenant d’autres nouvelles substances psychoactives telles que des stimulants, des hallucinogènes et des sédatifs/hypnotiques. Cette présence peut être délibérée ou accidentelle. Dans un petit nombre de cas, la présence de cannabinoïdes de synthèse a été repérée dans ce qui semble être des comprimés ou des gélules d’ecstasy. En Hongrie et aux États-Unis, ces produits ont donné lieu à des foyers d’intoxications aiguës (26). Une autre évolution récente est la découverte de cannabinoïdes de synthèse dans les cartouches remplies de liquide destinées à être utilisées dans les cigarettes électroniques. Cette évolution reflète probablement la récente popularité de la cigarette électronique auprès des jeunes.

L’EMCDDA a suivi de près les évolutions relatives aux cannabinoïdes de synthèse depuis leur identification sur le marché européen en 2008. La façon dont cette famille de composés chimiques a évolué et s’est adaptée au cours de cette période est assez impressionnante. Les innovations en termes de substitution chimique qui ont caractérisé ce phénomène montrent que la surveillance étroite des nouvelles évolutions dans ce domaine, ainsi que des effets nocifs associés aux cannabinoïdes de synthèse, reste primordiale dans le futur.

Footnotes

  • (1) EMCDDA (2009), Understanding the ‘Spice’ phenomenon, Thematic paper de l’EMCDDA, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg.
  • (2) Pour les besoins de la surveillance réalisée dans le cadre du système d’alerte rapide de l’UE, le terme «cannabinoïdes de synthèse» est utilisé ici et inclut: le nombre important d’agonistes des récepteurs des cannabinoïdes de synthèse (tels que le JWH-018, qui est un agoniste des récepteurs CB1 et CB2) qui ont été détectés sur le marché des drogues en Europe; un nombre beaucoup moins élevé de modulateurs allostériques (tels que l’Org 27569) qui modifient la structure des récepteurs cannabinoïdes et entraînent une altération de leur activité lorsqu’un ligand se lie aux récepteurs; et les substances qui agissent en tant qu’inhibiteurs de l’hydrolase des amides d’acides gras (FAAH), qui est l’enzyme responsable de la destruction de l’endocannabinoïde anandamide (tels que l’URB597). Cette édition de Perspective on Drugs ne traite que des agonistes des récepteurs des cannabinoïdes de synthèse.
  • (3) Choi, H., Heo, S., Choe, S., et al. (2013), «Simultaneous analysis of synthetic cannabinoids in the materials seized during drug trafficking using GC-MS», Analytical and Bioanalytical Chemistry, 405(12), pp. 3937–3944.
  • (4) Ogata, J., Uchiyama, N., Kikura-Hanajiri, R. et Goda, Y. (2013), «DNA sequence analyses of blended herbal products including synthetic cannabinoids as designer drugs», Forensic Science International, 227(1–3), pp. 33–41.
  • (5) Institut national sur l’abus de drogues (2014), «Monitoring the Future Survey 2014, overview of findings», NIDA, Bethesda, MD.
  • (6) Smith, K. et Flatley, J. (eds) (2011), Drug misuse declared: Findings from the 2010/11 British Crime Survey, England and Wales, Home Office, Londres.
  • (7) Office national de statistiques (2012), Drug misuse declared: Findings from the 2011/12 Crime Survey for England and Wales, Home Office, Londres.
  • (8) Home Office (2015), «Tables for drug misuse: Findings from the 2014 to 2015 CSEW», Home Office, Londres.
  • (9) Observatoire espagnol des drogues (2012), Enquête sur la consommation de drogue parmi les étudiants de l’enseignement secondaire en Espagne 2012 (ESTUDES).
  • (10) Observatoire espagnol des drogues (2013), Enquête sur la consommation d’alcool et de drogue en Espagne (EDADES)
  • (11) Beck, F., Richard, J.-B., Guignard, R., Le Nezet, O. et Spilka, S. (2015), «Levels of drugs use in France in 2014», Tendances 99.
  • (12) Spilka, S., Le Nézet, O., Ngantcha, M. et Beck, F. (2015), «Drug use in 17-year-olds: Analysis of the ESCAPAD survey», Tendances 100.
  • (13) Werse, B., Müller, O., Schell, C. et Morgenstern, C. (2011), Jahresbericht MoSyD: Drogentrends in Frankfurt am Main 2010, Centre for Drug Research, Frankfurt am Main.
  • (14) Werse, B., Bernard, C., Schell-Mack, C. et Morgenstern, C. (2012), MoSyD Jahresbericht 2011: Drogentrends in Frankfurt am Main, Centre for Drug Research, Frankfurt am Main.
  • (15) Bernard, C., Werse, B. et Schell-Mack, C. (2013), MoSyD Jahresbericht 2012: Drogentrends in Frankfurt am Main, Centre for Drug Research, Frankfurt am Main.
  • (16) Werse, B., Morgenstern, C. et Sarvari, L. (2014), MoSyD Jahresbericht 2013: Drogentrends in Frankfurt am Main, Centre for Drug Research, Frankfurt am Main.
  • (17) Werse, B., Kamphausen, G., Egger, D., Sarvari, L. et Müller, D. (2015), MoSyD Jahresbericht 2014: Drogentrends in Frankfurt am Main, Centre for Drug Research, Frankfurt am Main.
  • (18) Guardian/Mixmag Survey (2012), consulté le 13 mars 2013.
  • (19) Tait, R. J., Caldicott, D., Mountain, D., Hill, S. L., Lenton, S. (2016), «A systematic review of adverse events arising from the use of synthetic cannabinoids and their associated treatment», Clinical Toxicology (Philadelphie) 54(1), pp. 1–13.
  • (20) American Association of Poison Control Centers (n.d.), «Synthetic cannabinoids», AAPCC, Alexandria, VA.
  • (21) Lindigkeit, R. 1., Boehme, A., Eiserloh, I., et al. (2009), «Spice: A never ending story?», Forensic Science International, 191(1–3), pp. 58–63.
  • (22) Uchiyama, N., Kikura-Hanajiri, R., Ogata, J. et Goda, Y. (2010), «Chemical analysis of synthetic cannabinoids as designer drugs in herbal products», Forensic Science International, 198(1–3), pp. 31–38.
  • (23) Fisar, Z. (2010), «Inhibition of monoamine oxidase activity by cannabinoids», Naunyn Schmiedeberg’s Archives of Pharmacology, 381(6), pp. 563–572.
  • (24) Macfarlane, V. et Christie, G. (2015), «Synthetic cannabinoid withdrawal: A new demand on detoxification services», Drug and Alcohol Review 34(2), pp. 147–153.
  • (25) Shevyrin, V., Melkozerov, V., Nevero, A., et al. (2016), «Identification and analytical characteristics of synthetic cannabinoids with an indazole-3-carboxamide structure bearing a N-1-methoxycarbonylalkyl group», Analytical and Bioanalytical Chemistry 407(21), pp. 6301–6315.
  • (26) Kasper, A. M., Ridpath, A. D., Arnold, J. K., et al. (2015), «Severe illness associated with reported use of synthetic cannabinoids: Mississippi, April 2015», Morbidity and Mortality Weekly Report 64(39), pp. 1121–1122.
  • (27) Drug Enforcement Administration (2015), «Proposed rule schedules of controlled substances: Temporary placement of the synthetic cannabinoid MAB-CHMINACA into Schedule I», Federal Register 80(179), pp. 55565–55568.
  • (28) Brenneman, R., Papsun, D. M., Logan, B. K. et Neavyn, M. J. (2016), «Death-like slumber: Toxic outbreak of AB-FUBINACA», Journal of Medical Toxicology, 12(1), p. 39.
  • (29) Johnston, L. D., O'Malley, P. M., Miech, R. A., Bachman, J. G., & Schulenberg, J. E. (2016). Monitoring the Future national survey results on drug use, 1975-2015: Overview, key findings on adolescent drug use. Ann Arbor: Institute for Social Research, The University of Michigan, pp. 98. Accessible à l'adresse: http://www.monitoringthefuture.org/pubs/monographs/mtf-overview2015.pdf.
  • (30) User Voice (2016), Spice: the bird killer. What prisoners think about the use of spice and other legal highs in prison. Accessible à l'adresse: http://www.uservoice.org/news/user-voice-news-blog/2016/05/nhs-report-by-user-voice-hears-directly-from-inmates-the-true-horrors-of-nps-use-in-prisons/.
  • (31) HM Inspectorate of Prisons (2015). Changing patterns of substance misuse in adult prisons and service responses. A thematic review by HM Inspectorate of Prisons, décembre 2015. Accessible à l’adresse: https://www.justiceinspectorates.gov.uk/hmiprisons/wp-content/uploads/sites/4/2015/12/Substance-misuse-web-2015.pdf.
  • (32) Observatoire espagnol des drogues et toxicomanies (2016) ESTUDES 2014/15. USID Encuesta sobre uso de drogas en enseñanzas secundarias en España. Accessible à l’adresse: http://www.pnsd.msssi.gob.es/profesionales/sistemasInformacion/sistemaInformacion/pdf/2016_Informe_ESTUDES.pdf.
  • (33) Werse, B., Kamphausen, G., Egger, D., Sarvari, L. et Müller, D. (2016), MoSyD Jahresbericht 2015: Drogentrends in Frankfurt am Main, Centre for Drug Research, Frankfurt am Main.
  • (34) EMCDDA–Europol Joint Report on methyl. 2-[[1-(cyclohexylmethyl)indole-3-carbonyl]amino]-3,3-dimethylbutanoate (MDMB-CHMICA). EMCDDA–Europol, Lisbonne, juillet 2016. Accessible à l’adresse: http://emcdda.europa.eu/publications/joint-reports/mdmb-chmica.
  • (35) EMCDDA (2017). Report on the risk assessment of methyl 2-[[1-(cyclohexylmethyl)-1H-indole-3-carbonyl]amino]-3,3-dimethylbutanoate in the framework of the Council Decision on new psychoactive substances. Accessible à l’adresse: [insérer le lien dès que disponible].
  • (36) Décision d’exécution (UE) 2017/369 du Conseil du 27 février 2017 soumettant le méthyl 2-[[1-(cyclohexylméthyl)-1H-indole-3-carbonyl]amino]-3,3-diméthylbutanoate (MDMB-CHMICA) à des mesures de contrôle. Journal officiel de l’Union européenne L 56/210, 3.3.2017, accessible à l'adresse:: http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:32017D0369&qid=1489767473947&from=EN.
  • (37) Agence suédoise de la santé publique (2016), Drugs workbook, Stockholm, non publié.

Contenu interactif: démystifier la chimie

Chargement de l’élément interactif... veuillez patienter

Afin de rendre la chimie des cannabinoïdes de synthèse plus aisément compréhensible, le modèle présenté ici explique la composition chimique de ces composés. Les cannabinoïdes de synthèse sont différents au niveau de leur composition chimique; ce qu’ils ont en commun, c’est leur capacité à se lier aux récepteurs cannabinoïdes. La structure de la majorité des cannabinoïdes de synthèse peut cependant être divisée en quatre grandes parties: le noyau et les substituants, la section de liaison, le cycle et les substituants, et la queue. Si vous sélectionnez la bonne combinaison de molécules, un cannabinoïde de synthèse apparaîtra.
Indice: cliquez sur la molécule une deuxième fois pour modifier son état de sélection.

 

Faits et chiffres

  • Plus de 620 nouvelles substances psychoactives sont actuellement suivies par l’EMCDDA dans toute l’UE, grâce au système d'alerte rapide de l'UE, dont 169 sont des agonistes des récepteurs des cannabinoïdes de synthèse.
  • 14 familles chimiques reconnaissables de cannabinoïdes de synthèse sont connues.
  • 2008 — le JWH-018 est le premier cannabinoïde de synthèse détecté dans un produit «euphorisant légal».

Chimie et dénomination des cannabinoïdes de synthèse

De nombreux cannabinoïdes de synthèse suivis par l’EMCDDA grâce au système d’alerte rapide de l’UE possèdent des noms de code liés à leur découverte. Dans certains cas, ils sont dérivés des initiales du nom des scientifiques qui ont synthétisé le composé pour la première fois: les composés «JWH» sont par exemple nommés d’après John W. Huffman et les composés «AM» d’après Alexandros Makriyannis. Dans d’autres cas, ils peuvent trouver leur origine dans l’établissement ou l’entreprise où ils ont été synthétisés pour la première fois: la série «HU» des cannabinoïdes de synthèse a été nommée d’après l’université hébraïque (Hebrew University) de Jérusalem, le «CP» d’après Carl Pfizer. Dans certains cas, les noms ont probablement été choisis par les fabricants des «euphorisants légaux» pour favoriser la commercialisation de ces produits. L’«AKB-48» et le «2NE1», les noms alternatifs de l’APINACA et de l’APICA, en sont un bon exemple. «AKB-48» est le nom d’un groupe musical féminin japonais populaire et «2NE1» est le nom d’un autre groupe féminin sud-coréen. Enfin, le cannabinoïde de synthèse XLR-11 semble avoir pris le nom du premier moteur-fusée à carburant liquide développé aux États-Unis pour une utilisation aéronautique, faisant peut-être ainsi allusion à l’effet souhaité par le vendeur sur le consommateur de la substance. 

De nombreuses substances se voient aujourd’hui attribuer des noms de code dérivés de leur dénomination chimique longue, par exemple: APICA d’après N-(1-adamantyl)-1-pentyl-1H-indole- 3-carboxamide et APINACA d’après N-(1-adamantyl)-1-pentyl-1H-indazole-3-carboxamide. L’EMCDDA a rendu cette méthode systématique afin de l’appliquer aux nouvelles substances émergentes et de montrer la façon dont les divers composants peuvent être assemblés. La structure de nombreux cannabinoïdes de synthèse peut être divisée en quatre composants: la queue, le noyau, la section de liaison et le groupe lié. Attribuer à chaque composant un nom de code permet d’identifier la structure chimique du cannabinoïde sans en connaître la dénomination chimique longue. La syntaxe de dénomination proposée pour les cannabinoïdes de synthèse qui suivent ce modèle est la suivante:

GroupeLié – QueueNoyauLiaison

L’agencement des composants dans cet ordre suit l’agencement de leur dénomination chimique plus longue, comme pour l’APICA: N-(1-adamantyl)-1-pentyl-1H-indole-3-carboxamide. Lorsqu’un substituant arrière est présent (par exemple, le 5F), celui-ci apparaîtra au début de la dénomination, les substituants du groupe lié seront placés avant le groupe lié et les substituants du noyau seront placés à la fin du code.

Application du nouveau système à un cannabinoïde de synthèse récemment signalé:

chem formula

N-(1-carbamoyl-2-methyl-propyl)-1-[(4-fluorophenyl)methyl] indazole-3-carboxamide
Dénomination actuelle: AB-FUBINACA Nouvelle dénomination: MABO-FUBINACA

Les codes à lettres mis en œuvre reposent non seulement sur les lettres présentes, mais également sur l’ordre des lettres. Par exemple, A se rapporte à l’amine dans le groupe lié; CA se rapporte au carboxamide. En respectant la syntaxe et les codes décrits, les cannabinoïdes de synthèse suivant cette structure auront une dénomination courte unique. 

Find out more

Further reading

Top